Rachel Zang : vivre à tout prix

Article : Rachel Zang : vivre à tout prix
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2 juillet 2024

Rachel Zang : vivre à tout prix

Si elle avait voulu mourir, elle aurait pu facilement se laisser emporter par sa cataracte. Mais Rachel, passionnée de la vie, a lutté pour retrouver sa vue.

Rachel Zang, super centenaire, dans son champ près de sa maison. Crédit : Michelle Ymele

Rachel Zang se décrit comme une « créature spéciale ». Sa mère est décédée à l’âge de 120 ans. En 2023, cette « vieille » dame nage dans le bonheur à la tête d’une famille sur cinq générations. À ses 111 ans, elle n’est pas fatiguée de vivre et ne prévoit pas de l’être, même dans dix ans. Il y a une décennie, animée par cette même envie de vivre, elle s’est battue alors que son sort semblait déjà scellé par une « vilaine » cataracte qui l’a plus tard rendue aveugle.

La fin d’une vie, le début d’une autre

À l’extrême droite de sa maison en briques de terre, Rachel possède sa petite plantation. On y trouve un peu de tout : des plants de patates, de manioc, du gombo, du maïs, des ignames, des arachides ; un véritable champ d’une autre époque, celui des grands-mères. Elle a été opérée il y a deux mois (d’avril 2023 à juin 2023). Solide sur ses jambes, difficile de lui donner 100 ans. Au milieu de ses plantes vertes, houe à la main, panier sur le dos, Rachel retrousse son Kaba N’gondo à son sous-vêtement avant de passer la houe sous les herbes. Comme un air de terre fraîche retrouvé, enfin ! Elle veut continuer à travailler la terre, mais son geste est entravé par ce bout de lunettes posé sur son nez, qui ne tient plus que sur une branche. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas fait cela. « Je suis très contente de voir mes plants pousser. Je serai heureuse de récolter quelques tiges pour préparer le repas des enfants. Ou bien je les vendrai pour m’acheter un verre de whisky », plaisante-t-elle en rejoignant ses petits-fils dans la cour.

Avant de tomber malade, c’était ainsi que se déroulait sa vie quotidienne : les champs, des moments joyeux avec ses petits-enfants, et puis son église qu’elle n’a jamais manquée, située à quelques pas de chez elle. Mais il y a neuf ans, sa vue a commencé à faiblir jusqu’à ce qu’elle ne voit plus rien. À ce moment-là, elle avait 107 ans. En avril 2022, grâce au programme de sensibilisation d’une mission humanitaire de l’hôpital ophtalmologique Magrabi ICO Cameroon Eye Institute dans le village de Beka Kunde Ebandam, près de la commune d’Ayos, Rachel a été diagnostiquée positive à la cataracte. La grand-mère n’a pas hésité à se faire opérer un an plus tard.

Toujours coquette, pourquoi a-t-elle accepté l’opération ?

Les rides marquant son visage reflètent les signes du temps. Son visage rayonne de sagesse et d’expérience. En observant ce visage ayant vécu tant d’histoires, dont la beauté n’a pas perdu un brin de charme malgré les ravages du temps, on oublie toute envie de se retourner. Toute l’attention se focalise sur ce visage qui a tant à raconter : « J’ai toujours aimé la vie. Plus jeune, j’aimais être courtisée par les hommes », sourit-elle avant d’ajouter : « Alors quand je suis tombée malade, allongée ici dans mon lit, j’entendais quelqu’un parler dehors d’une voix belle, une ligne de larmes escamotée aussitôt et je m’exclamais : « Eh ! Eh ! Je vais mourir sans voir mes chéris coco ». Alors j’ai gardé la foi en Dieu ». Et elle continue : « Quand tu as la foi en Dieu et que tu lui demandes quelque chose avec un cœur brisé, il te l’accorde généreusement. »

Rachel revient dans son église après son opération

Rachel avait déjà 102 ans quand ses problèmes de vue ont commencé. Un âge où beaucoup estiment avoir suffisamment vécu pour partir de ce monde. Pourtant, ce n’est pas le cas pour Rachel : « Je suis une créature spéciale. Si vous venez dans mon village natal, tout le monde vous le dira. Je n’ai pas de superstitions, je ne pratique pas la sorcellerie. J’ai mis ma vie entre les mains du Seigneur », précise-t-elle.

CATARACTE,L’HISTOIRE INSPIRANTE D’UNE GUERRISON

Rachel a eu onze enfants, dont six sont décédés. Doyenne d’une famille sur cinq générations, elle est l’heureuse grand-mère de 33 petits-enfants, 67 fils, et 11 arrière-arrière-petits-enfants. Comme sa grande mère décédée à 120 ans, Rachel peut encore rêver de quelques années de plus et peut-être profiter de sa sixième génération avant que la mort ne vienne la chercher.

Michelle Ymele

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